OBSERVATIONS COMPORTEMENTALES DE L'AIGLE ROYAL
                                         AQUILA CHRYSAËTOS DANS LA RÉSERVE DOMANIALE
                                          DU MONT VALLIER (ARIÈGE, FRANCE) 1987-1995
           


 

                                             Denis NEBEL, Adrien DUQUESNE & Geoffroy JUIN

 

Office National des Forêts, Réserve du Mont-Vallier, Maison forestière ndeg. 1, 09140 Seix.

 

 

Résumé : La Réserve Domaniale du Mont-Vallier, superficie d'environ 9000 ha, abrite 3 couples d'aigles royaux. La reproduction des aigles est suivie depuis 1989 sur les trois sites connus de la Réserve ainsi que sur un site en bordure de Réserve. La superficie des différents territoires occupés par chaque couple a été déterminée à partir des observations de terrain. En 1993, du 16 avril au 11 juillet, nous avons réalisé des observations rapprochées d'une aire d'aigle à partir d'un affût. Lors de 39 journées totalisant 18 heures d'observation, nous avons pu identifier 26 des 28 proies apportées par les adultes aux poussins. Nous avons abordé l'analyse du comportement des oiseaux au nid. Mots-clés : Aquila chrysaëtos, élevage, poussins, alimentation, Marmota marmota, Pyrénées.

 

Abstract: Behavioural observations of the golden eagle Aquila chrysaëtosin Mont Vallier Nature Reserve (Ariège, France).
Three golden Eagle pairs live in the State Reserve of Mont-Vallier, area of 9000 ha. The eagle breeding is surveyed since 1989, on the three known sites in the Reserve and on an extra neighbouring site. The territory area of each pair was determined from field observations. In 1993, from 16th April to 11th July, 39 days counting 187 hours of close observations from a hide of an eagle nest allowed us to identify 26 out of the 28 preys brought by the adults to the chicks. We begin the analysis of the nest behaviour. Key-words:Aquila chrysaëtos, breeding, chicks, feeding, Marmota marmota, Pyrenees.

 

INTRODUCTION

La réserve Domaniale du Mont-Vallier est située au Sud-Ouest du département de l'Ariège. Elle jouxte la frontière espagnole sur 14 km de crêtes rocheuses. Cet espace de 90 km2, s'étage de 700 à 2800 m, il est géré dans un esprit conservatoire depuis 1937. Une équipe de six forestiers s'y consacre, à plein temps, à la faune sauvage et à ses habitats. La population d'isards est de 2000 animaux. Le renard est présent partout, la marmotte introduite de 1961 à 1972 prospère en de nombreuses colonies d'un total de 200 individus (Ramousse et al. 1994). Le lagopède alpin atteint une densité de 3 à 4 couples / km2 sur tous les terrains au-dessus de 1800 m d'altitude (Morscheidt 1994). Quatre-vingts à cent grand tétras vivent dans les forêts. Trois couple d'Aigle royal Aquila chrysaëtos nichent régulièrement et chassent dans la réserve. Un quatrième couple est cantonné à proximité immédiate de sa limite orientale, soit huit reproducteurs sur environ 200 km2. Ce qui est une densité exceptionnellement forte pour les Pyrénées françaises.

Des couples supplémentaires viendront-ils s'installer? Si oui, pourra-t-on déceler une relation avec l'abondance, l'augmentation et la réparation des proies citées plus haut? Quelles sont les proies les plus importantes dans le régime alimentaire de l'aigle, sur le suivi démographique desquelles il convient de focaliser les observations? Comment les territoires de chasse des divers couples s'organisent-ils dans l'espace, se recoupent -ils en raisonde la densité? Laissent-ils des parties de la réserve peu prospectées ou peu défendues, vacantes pour des sujets juvéniles nés dans la réserve, ou immigrants? Le succès de reproduction de ces 4 couples est-il suffisant pour laisser penser que la réserve est un foyer de dispersion de l'aigle royal pour les territoires environnants? Est-il au contraire assez faible pour qu'on soupçonne la manifestation de mécanismes d'autorégulation densité-dépendants? Cela se traduit-il au niveau du comportement territorial ou du comportement au nid?

Pour collecter progressivement les éléments de réponse à ces questions que nous devons nous poser en tant que gestionnaire de l'écosystème, nous avons mis en place un programme d'observations à long terme. Toutes les observations d'aigles sur la réserve et ses abords sont notées depuis 1987. Le suivi de tous les nids en période de reproduction est assuré depuis 1989. En 1993, une cache disposée près d'un nid a permis de décrire très en détail les comportements d'incubation et d'élevage des jeunes. En 1994 et 1995, des observateurs en contact radio se sont relayés de vallon en vallon pour suivre les vols de chasse des adultes nicheurs.

Nous présentons les premiers résultats de ces actions menées grâce aux moyens propres de l'Office national des Forêts (région Midi-Pyrénées) établissement public qui gère la Réserve Domaniale du Mont-Vallier pour le compte de l'État propriétaire.

 

MÉTHODES

 

Observations aléatoires

Depuis 1987, chaque observation est notée sur fiche "inventaire faune". L'oiseau est localisé sur un maillage de 200 x 200 m. Sont précisés sa classe d'âge, son comportement (vol direct, ascendance, comportement de parade, festons, accouplement), la direction de vol et le point où l'observateur l'a perdue de vue.

Surveillance périodique des nids

A partir des informations données par les observations aléatoires, nous avons intensifié les recherches et localisé les nids des couples reproducteurs. Chaque année, chacun des couples est suivi avec l'objectif de connaître : l'installation des adultes au nid, les pontes, les éclosions, le nombre de jeunes à l'envol. Les observations se font au pas de temps moyen de 15 jours (suivant la météo), de mars à juillet à la distance de 400 à 1000 m suivant les nids, et à l'aide de lunettes terrestres (grossissement 30X).

Affût près d'un nid

Dans le but d'analyser en détail le comportement au nid, en 1993, nous avons installé un affût fixe à environ 100 m d'un nid. L'accès à l'affût se situait totalement en milieu forestier, assurant ainsi un maximum de discrétion lors de l'arrivée ou du départ de l'observateur. Nous avons utilisé une lunette terrestre (grossissement 30X) pour réaliser les observations des oiseaux au nid. Le suivi par observation à distance a débuté le 16 avril, nous avons installé l'affût le 5 mai, et nous avons achevé l'étude le 13 juillet, date d'envol du jeune. L'observation a été maintenue en moyenne 5 heures/jour, de 11 h à 16 h (extrêmes 9 h 30 - 20 h), tous les 2,5 jours en moyenne. L'activité des adultes et des poussins est notée par quart d'heure et selon un répertoire préétabli que l'on complétait à mesure que de nouveaux comportements apparaissaient.

Observations synchrones

Pour mieux cerner le territoire de chasse de chaque couple nicheur, en période de nidification et d'élevage des jeunes, nous avons organisé, d'avril à juillet 1994 et 1995, des opérations d'observations simultanées, couvrant de vastes superficies autour de chaque nid. Dans chaque territoire, un observateur (au total 2 à 3, suivant les opérations) tient l'observation, depuis un point stratégique, de 9 h à 16 h. Il est en liaison radio avec les autres observateurs déployés sur le territoire d'un couple. Les trajectoires et les comportements des oiseaux sont portés sur carte au 1/25 000. Dans de nombreux cas, les particularités morphologiques des oiseaux (taches claires, plumes manquantes) ont permis de reconnaître les individus au moins sur de courtes périodes, et quelquefois pour toute la durée de l'étude.

 

RÉSULTATS ET DISCUSSION

 

Partage de l'espace

Nous avons traité par la méthode des polygones convexes plus de 580 "contacts" provenant des observations aléatoires, des observatoires synchrones et de la surveillance des nids. Nous pouvons donner une représentation sommaire de l'utilisation du territoire d'étude par les aigles qui le fréquentent.

 

Figure 1. Partage de l'espace entre les Aigles royaux qui fréquentent la réserve Domaniale du Mont Vallier (Ariège, France) 1987-1995.

 

La Réserve du Mont-Vallier est essentiellement utilisée par quatre couples reproducteurs (fig. 1). Cependant, de nombreux aigles non résidents (pour la plupart immatures, 113 sur 580 "contacts" soit 20%) y ont été observés. Dans 7 cas, des comportements violemment agonistiques (prise de serres en vol) dirigées du résident vers le non résident ont été observés, de mars à juillet. D'autre part, les quatre territoires étudiés jouxtent, à l'Est, à l'Ouest et au Sud des territoires occupés par d'autres couples. Les domaines vitaux cartographiés semblent donc être en totalité des territoires défendus par les couples. La taille des quatre territoires (moyenne 51 km2, Tab. 1), paraît relativement petite comparée à ce qui est noté dans d'autres régions. Dans trois des territoires, la forêt couvre environ 50% du domaine. Clouet (1981) cite des territoires de 90-130 km2 dans les Pyrénées. Dans les Alpes suisses, Henninger (1986) donne une moyenne de 89 km2 sur un échantillon de 18 couples. Dans les Alpes Bernoises, les territoires des couples ont été évalués à 84 km2 (Jenny 1992).

Sur l'ensemble des quatre territoires nous dénombrons environ 2400 isards, soit une densité de 11,6 isards au km2, il semble que cette forte disponibilité alimentaire soit une explication possible à la faible superficie des territoires des aigles sur le Vallier.

Tableau 1. Superficie des territoires occupés par les couples d'aigle royal, dans la réserve de 1989 à 1995

 

Tableau 2. Exposition et altitude des nids d'aigle royal dans la Réserve

Désignation du couple

Surface du territoire km2

 

Nid

Expositions

Altitude

"r"

71

 

"a" 1

SO

1430

"e"

55

 

"a" 2

Se

1150

"a"

35

 

"s" 3

S

1450

"s"

45

 

"s" 4

SO

150

 

 

 

"e" 5

N

1400

 

 

 

"e" 6

SSO

1430

 

 

 

"r" 7

N

1720

 

 

 

"r" 8

N

1520

 

En 1993, lorsque les 4 couples ont niché en même temps, les distances entre 2 nids consécutifs étaient : 4,8 km, 3,9 km et 7,5 km, soit une moyenne de 5,4 km entre 2 sites de nidification.

Succès de la reproduction

De 1989 à 1995, nous avons pu suivre un total de 14 nidifications pour les 4 couples résidents. Le tableau 3 donne le détail des événements observés. Sur 14 nidifications, nous avons observé 6 jeunes à l'envol, soit une productivité moyenne de 0,43 jeune/couple/an. Cette productivité est plutôt faible comparée à celle citée par différents auteurs : 0,53 dans les Pyrénées françaises (Clouet et Pompidor 1986), en Navarre 0,57 à 0,85 (Fernandez 1991).

Tableau 3. Suivi de la reproduction de l'aigle royal, en Réserve Domaniale du Mont-Vallier (Ariège, France) de 1989 à 1995.

Couple

"a"

"e"

"r"

"s"

1989

* 1 poussin éclos début mai

non observé

non observé

non observé

 

* 1 jeune à l'envol

 

 

 

1990

non observé

non observé

non observé

non observé

1991

* pas de nidification

non observé

non observé

non observé

1992

* 1 poussin éclos début mai mort le 13 juin

* 1 poussin éclos début mai envol le 8 juillet

non observé

non observé

1993

* 2 poussins éclos le 4 mai

* 1 poussin éclos fin avril

* 1 poussin éclos début mai

* 1 poussin éclos fin avril

 

* 1 poussin tué par l'autre le 14 mai

* envol le 11 juillet

* envol le 7 juillet

* mort du poussin le 28 avril suite à la chute du nid

1994

* pas de nidification

* pas de nidification

non observé

non observé

1995

* abandon du nid par les adultes

* pas de nidification

* 1 poussin éclos début mai

* pas de nidification

 

 

* envol le 11 juillet

 

 

 

Les conditions météorologiques, notamment la pluviométrie en période d'incubation, semblent avoir une influence sur le succès de la reproduction de l'aigle (Fernandez 1991), Clouet & Pompidor 1986). Un autre facteur mis en avant pour expliquer la faible productivité des aigles dans les Pyrénées centrales est la faible disponibilité potentielle en proies vivantes sur les territoires (Clouet 1981). Cette hypothèse ne peut être retenue pour notre zone d'étude, où la densité moyenne en isards est importante grâce à la protection du milieu depuis 1937. Il apparaît plus vraisemblable d'expliquer la faible productivité constatée par la manifestation d'une autorégulation démographique densité-dépendante. Henniger et al. (1986) a établi dans les Alpes que la productivité est d'autant plus élevée que la densité est faible.

Comportement au nid

Entre le 16 avril et le 13 juillet 1993, nous avons assuré l'observation d'un nid occupé, depuis un affût. La figure 2 donne le nombre d'heures d'observation pour chaque journé.

 

Figure 2. Durées journalières d'observation rapprochée d'un nid d'aigle royal en Réserve Domaniale du Mont-Vallier (Ariège, France) en 1993.

 

Si l'on admet qu'à cette saison les aigles sont actifs 12 heures par jour, l'échantillonnage du comportement ainsi recueilli représente 18% de l'activité. La figure 3 visualise les proportions du budget-temps que les oiseaux ont consacré aux principales activités.

Figure 3. Durées cumulées des diverses activités observées sur un nid d'aigle royal en Réserve Domaniale du Mont-Vallier (Ariège, France) du 16 avril au 13 juillet 1993 (en % des 184 heures d'observation).

 

L'activité de couvaison et réchauffement du poussin dans ses premiers jours est essentiellement concentrée entre le 16 avril (début du suivi) et le 14 mai. La femelle assure 85% de cette activité.
Les séquences de couvaison et réchauffement du jeune varient entre 20 minutes et 5 heures, avec une moyenne de 64 minutes (n=57). Du 22 mai au 7 juin, nous avons observé quatre autres périodes de réchauffement des jeunes de 30 minutes en moyenne, puis plus rien jusqu'à l'envol. Durant les 187 heures du suivi, les adultes étaient présents 47% du temps. La femelle assure 76% des soins au poussin sur le nid. Les adultes ne sont pratiquement jamais ensemble sur le nid, ils se succèdent et se trouvent réunis au nid qu'à de très rares occasions qui ne durent que quelques secondes en général. En fin de période de couvaison du 16 avril au 3 mai, les oeufs sont restés seuls au nid 8 fois durant 1 à 15 minutes maximum, moyenne 11 minutes. Après l'éclosion des deux oeufs, qui a eu lieu le 3 mai, et jusqu'à l'envol du juvénile, les poussins sont restés 46% du temps seuls au nid.
Sur 78 périodes durant lesquelles les poussins sont restés seuls au nid, la durée d'absence des adultes a varié entre 5 minutes et 8 heures (le 20 mai). La durée moyenne d'absence des adultes était de 65 minutes (n=78).
Nous nous sommes aperçus le 5 mai qu'il y avait 2 poussins au nid, et dès cette date nous avons observé des bagarres entre eux. Le plus gros a le dessus sur le plus petit, qui ne parvient même pas à se défendre.
Entre le 5 mai et le 12 mai, sur 36 heures 15 d'observation, les poussins se sont battus durant 71 minutes. Durant la seule journée du 12 mai, le plus gros des poussins a mené 55 minutes d'attaque contre le plus petit, soit 123% du temps d'observation (7 heures 45). Cette journée, la femelle a assisté à 45 minutes de combat sans intervenir, sauf pour remettre, d'un coup d'aile, le plus petit au centre du nid alors qu'il allait tomber dans le vide sous les assauts répétés de son frère. En fin de journée, le plus petit , qui n'a pas mangé, avait le dos déplumé et saignait. Le 14 mai, le plus petit gît au fond du nid sous des matériaux. Nous ne saurons pas ce qu'il est devenu par la suite.
Le fratricide chez les rapaces a été maintes fois décrit et de nombreuses hypothèses explicatives ont été évoquées (Ellis 1979).
Dans les Pyrénées, on a rarement observé l'envol des deux aiglons (Clouet et Pompidor 1986, Fernandez 1991), ce qui laisse à penser que ce comportement est très ordinaire.

Les deux adultes, durant le suivi, ont consacré 0,66% du temps d'observation (76 minutes) à l'apport de matériaux, pour consolider et améliorer le confort du nid. Cette tâche est assurée à 96% par la femelle. En début de période jusqu'au 14 mai, ce sont essentiellement des herbes sèches qui on été rapportées par la femelle. Elle arrache l'herbe avec son bec et la transporte dans ses serres. A partir du 14 mai et jusqu'à l'envol, ce sont des branches de hêtre feuillées qui sont déposées au le nid. En moyenne, ces branches mesurent 40 à 50 cm de long pour 1 cm de diamètre. Les oiseaux se laissent tomber, serres en avant sur des hêtres afin de casser la branche convoitée.
Deux fleurs ont été apportées, une indéterminée, et un asphodèle entier avec racine et fleur.

Durant la période d'observation au nid, nous avons pu constater que la femelle assure le nettoyage de l'aire. Nous avons observé le transport d'une patte d'isard, et d'une pelote de rejection de poussin hors du nid. Ces matériaux ont été évacués et dispersés, au hasard, dans la forêt contiguë au nid. De même, les adultes n'ont pas déposé leurs propres pelotes dans le nid.

Durant la période d'observation, 28 proies ont été dénombrées, dont 26 ont été identifiées.
Le tableau 4 en donne le détail.

Proie

Nombre

Poids unitaire en g

Poids total en g

% du régime (en poids)

Isard

8

4000

32000

81,42

Mammifère ind.

1

2200

2200

5,6

Surmulot

1

500

500

1,28

Grand Tétras

1

2000

2000

5,09

Geai

1

170

170

0,43

Pic noir

1

300

300

0,76

Pigeon

1

210

210

0,53

Perdrix

2

350

700

1,78

Passereau

1

20

20

0,05

Oiseau ind.

1

100

100

0,25

Couleuvre

1

190

190

0,48

Vipère

4

150

600

1,54

Orvet

2

80

160

0,41

Grenouille

3

50

150

0,38

Total

28

 

39300

100

L'isard représente la très grande majorité du régime alimentaire, il s'agit essentiellement de chevreaux de l'année. L'apport d'isards au nid a été régulièrement réparti entre le 5 mai et le 7 juillet.
les reptiles ont été capturés exclusivement les jours de beau temps, et pour les plus petits, ils ont été ingurgités d'un trait par le poussin. le 19 juin, une grenouille vivante a été apportée par le mâle au nid, mais le poussin n'a pas eu le temps de la consommer, l'animal préférant se jeter dans le vide.

Nous avons assisté à l'apport de 17 de ces proies au nid. Le mâle a rapporté trois fois plus de proies que la femelle (respectivement 11 et 4), alors qu'il est absent du nid environ six fois plus de temps que la femelle.
Il est à noter que nous n'avons pas vu d'apport de marmottes au nid, alors que cette proie est très souvent citée par les différents auteurs qui ont étudié le régime alimentaire de l'aigle dans les Alpes (Haller 1966) ou les Pyrénées (Clouet 1981).
La marmotte est bien représentée sur le territoire du couple que nous avons étudié (environ 80 individus), mais elle ne semble pas trop recherchée par l'aigle. L'introduction assez récente de la marmotte n'a peut être pas permis à l'aigle de se spécialiser sur ce type de proie? La bonne disponibilité en isards lui suffit sans doute pour assurer l'ordinaire.

 

CONCLUSION

Cette étude, dans la Réserve Domaniale du Mont-Vallier, nous a permis de constater que l'isard est la proie la plus représentée, dans les apports de nourriture au nid. Malgré la forte disponibilité d'isards sur l'aire d'étude, nous avons constaté une productivité de jeunes inférieure à ce qui a été observé ailleurs dans les Pyrénées.
La forte densité des aigles dans la Réserve et la taille réduite de leurs territoires de chasse semblent être en relation avec cette dynamique modeste.
De l'ensemble de cette première étude, il semble se dégager que la Réserve du Mont-Vallier est "saturée" en aigles. Le facteur limitant n'est pas la disponibilité des proies, ni celle en sites potentiels de nidification. Enfin, les causes de dérangements humains sont limitées, pas d'accès véhicule dans les fonds de vallée, et en dehors du pastoralisme, la seule activité humaine est le tourisme pédestre. Si dans l'avenir la population d'aigle du Mont-Vallier reste stable, on peut supposer que c'est par autorégulation démographique.
Dans les années qui viennent, nous avons l'intention de poursuivre et d'affiner ce suivi patrimonial de l'Aigle royal dans la Réserve Domaniale du Mont-Vallier.
L'Office National des Forêts est en effet convaincu que la surveillance continue du fonctionnement des écosystèmes conditionne l'efficacité de la protection des espèces et habitats remarquables confiés à sa gestion.

 

REMERCIEMENTS

Nous remercions les personnes qui nous ont aidées dans ce travail : sur le terrain, les forestiers de la Réserve Domaniale du Mont-Vallier ainsi que J. Morscheidt et J.P. Milhau, L. Labeyrie pour le dépouillement et l'analyse de données. Cl. Berducou qui a contribué à la mise en forme du présent article.

 

BIBLIOGRAPHIE

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 3ème Journée d'étude sur la marmotte alpine, Ramousse R. & Le Berre M. eds., 1996, Réseau International sur les Marmottes, Lyon.

 

 

Ndr: les figures 1, 2 et 3 n'ayant pu être insérées sur cette page vous les trouverez  ici