Alauda (2) 2004 12/05/04 14:14 Page 151

 

 

 

 

 

 

                                        L’AIGLE ROYAL Aquila chrysaetos AU NIGER

 

 

   

 

                                                                         Michel CLOUET & Jean-Louis GOAR

 

 

 

We report the first breeding records of Golden Eagle in Niger. Observations took place in theAïr range, mainly in peripherical little mountains around the highest massifs. Two breeding sites were discovered in the southern Aïr (N 17°30). Laying dates in 2003 were mid-october and mid-november, i.e.a range corresponding to the laying period observed in Mali at the same latitude. Preys items checked in the eyries were Lepus sp. (n = 18) and Uromastix sp. (n = 1). This isolated south- saharan Golden Eagle population seems highly vulnerable because of human persecution : poisening, killing eaglets and collection for trade.

 

 

La présence de l’Aigle royal Aquila chrysaetos a été rapportée au Niger, dans le massif de l’Aïr (THIOLLAY, 1977), mais sans précision de son statut et aucune mention de l’espèce n’apparaît dans les inventaires les plus récents (NEWBY et al., 1987 ; GIRAUDOUX et al., 1988 ; HOLYOAK & SEDDON, 1991 ; POILECOT, 1996). L’Aïr est l’un des principaux massifs du Sahara méridional, au Sud du Hoggar entre l’Adrar des Iforas au Mali à l’Ouest et le Tibesti et l’Ennedi au Tchad à l’Est. Sur le plan biogéographique il constitue une enclave sahélienne en milieu saharien comme en atteste le peuplement d’oiseaux largement dominé par les espèces sahéliennes et afrotropicales (Newby et a. l, 1987) ce dernier contingent étant encore plus abondant que dans l’Adrar malien (CLOUET & GOAR, 2003).

 

 

 

OBSERVATIONS

 

Nous avons recherché l’Aigle royal au cours de quatre séjours d’une semaine chacun en novembre 2001, mars 2002, septembre 2002 et février 2004, consacrés à des prospections sur des itinéraires parcourus en véhicule le long des grands axes et en périphérie des principaux massifs constituants l’Aïr, et à pied à l’intérieur de l’Adrar Timgak au Nord et des monts Bagzane au Sud. Les observations d’Aigles royaux ont eu lieu dans seulement cinq sites tous situés en périphérie et non dans les parties les plus élevées des massifs :

 • un adulte en chasse au Nord de l’Adrar Tamgak et deux adultes posés près d’une carcasse d’âne à l’Ouest de ce même Adrar en novembre 2001,

• un adulte en chasse sur le versant sud des monts Bagzane en février 2004, sur un territoire aussi occupé par un couple d’Aigles de Verreaux Aquila verreauxii,

• deux territoires où la reproduction fût observée en février 2004 : les aires (3 sur un site, 2 sur l’autre) étaient sur des falaises orientées au Nord à 975 mètres et 842 m d’altitude. Dans l’une l’aiglon venait de prendre son envol, dans l’autre (Photo 1) le poussin était âgé d’environ 3 semaines. Entre ces deux sites à la même latitude (N 17° 32 et N 17° 39), distants de 40 km, existait donc une importante différence de date de ponte qui pour la plus précoce correspondait à la mi-octobre et pour l’autre à la mi-décembre.

Dix-neuf proies ont pu être identifiées dont 18 lièvres (Lepus sp.) et un fouette-queue (Uromastix sp.).

 

DISCUSSION

 

Ces observations confirment donc la présence d’une population sédentaire et reproductrice d’Aigles royaux dans l’Aïr comme dans d’autres massifs au Sud du Sahara tel l’Adrar des Iforas (GOAR & RUTKOWSKY, 2000) ou les monts Balé en Ethiopie (CLOUET et al., 1999), et probablement isolée depuis plusieurs millénaires (WINK et al., 2004).

 La répartition de l’Aigle royal paraît donc étendue à l’ensemble de l’Aïr [si l’on rajoute l’observation de THIOLLAY (1977) à Timia] mais avec de très faibles densités et des localisations qui excluraient les grands massifs montagneux dont l’altitude peut dépasser 2 000 m, au bénéfice de reliefs périphériques plus modestes. Les milieux où furent observés les Aigles royaux ont en effet en commun, à côté de l’élément rocheux, la présence de lits d’oueds plus ou moins boisés et de zones steppiques à Panicum turgidum et Schouwia purpurea, composantes qui caractérisent également les territoires des Aigles royaux dans l’Adrar des Iforas (CLOUET & GOAR, 2003). Ces steppes sont l’habitat d’une grande faune : Chacal doré Canis aureus, Gazelle dorcas Gazelle dorcas, Outarde de Nubie Neotis nubia, Autruche Struthio camelus, partout en forte diminution (sauf le chacal) voire disparue (OSTROWSKI et al., 2001 ; obs. pers.). Par contre le cheptel domestique reste bien présent occasionnant même du surpaturage : dromadaires, ânes, chèvres et moutons dont les carcasses peuvent éventuellement être consommées comme en témoigne l’une de nos observations. C’est dans ce type de steppe que s’observent les plus fortes densités de lièvres (DRAGESCOJOFFÉ, 1993 ; obs. pers.) qui représentent les proies quasi exclusives de l’aigle en période de reproduction et lui permettent de se maintenir dans un milieu très appauvri et éventuellement de cohabiter sans compétition avec l’Aigle de Verreaux (CLOUET et al., 1999).

 

La période de reproduction correspond à celle observée dans l’Adrar malien avec cependant une ponte remarquablement précoce sur l’un des sites. Cette précocité dans un cycle annuel rythmé par le régime des précipitations intertropicales peut être mise en relation avec la pluviosité relativement importante de l’année précédente (2003). En effet, il a été démontré dans les déserts d’Israël que l’abondance des proies et le succès de reproduction des Aigles royaux étaient corrélés à la quantité de pluie de l’année précédente (BAHAT & MENDELSSOHN, 1996). La population d’Aigles royaux de l’Aïr paraît cependant très vulnérable. Du fait d’effectifs faibles et de son isolement, du fait aussi d’un dénichage qui paraît fréquent sinon systématique, facilité par l’accessibilité des aires et la demande d’oiseaux pour la fauconnerie et l’ornement prélevés sans aucun discernement. Un aigle était détenu en cage par un commerçant d’Agadez. Deux aiglons avaient été prélevés en 2003 dans l’une des aires que nous avons contrôlée. Sans compter la possible destruction des poussins

dans les nids par les bergers comme nous l’avons observé au Mali. Une forte mortalité juvénile (encore aggravée par des campagnes d’empoisonnement toujours d’actualité) pourrait aussi expliquer l’absence totale d’observation d’oiseaux en plumage immature et donc limiter le renouvellement de cette population relictuelle.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

•BAHAT (O.) & MENDELSSOHN (H.) 1996.– The longterm effect of precipitation on the breeding success of Golden Eagles Aquila chrysaetos in the Judean and Neguev deserts, Israel. In Eagles Studies. MEYBURG (B.U.) & CHANCELLOR (R.D.) Eds. WWGBP Berlin, Londres et Paris.

•CLOUET (M.) & GOAR (J.-L.) 2003.– L’avifaune de l’Adrar Tirharhar/Adrar des Iforas (Mali). Alauda, 71 : 469-474.

• CLOUET (M.), GOAR (J.L.) & BARRAU (C.) 1999.– The Golden Eagle (Aquila chrysaetos) in the Balé mountains, Ethiopia. J. Raptor Res., 33 : 102-109.

•DRAGESCO-JOFFÉ (A.) 1993.– La Vie sauvage au Sahara. Delachaux et Niestlé.Lausanne.

•GIRAUDOUX (P.), DEGAUQUIER (R.), JONES (P.J.), WEIGEL (J.) & ISENMANN (P.) 1988.– Avifaune du Niger : état des connaissances en 1986. Malimbus, 10 : 1-140.

• GOAR (J.L.) & RUTKOWSKY (T.) 2000.– Reproduction de l’Aigle royal Aquila chrysaetos au Mali. Alauda, 69 : 327-328.

•HOLYOAK (D.T.) & SEDDON (M.B.) 1991.– Notes sur la répartition des oiseaux du Niger. Alauda, 59 : 55-57.

•NEWBY (J.), GRETTENBERGER (J.) & WATKINS (J.) 1987.– The Birds of northern Aïr. Niger. Malimbus, 9 : 4-16

•OSTROWSKI (S.), MASSALATCHI (M.S.) & MAMANE (M.) 2001.– Evidence of a dramatic decline of the Rednecked Ostrich Struthio camelus camelus in the Aïr and Ténéré National Nature Reserve, Niger. Oryx, 35 : 349-352.

•POILECOT (P.) 1996.– La faune de la Réserve Naturelle Nationale de l’Aïr et du Ténéré (Niger). In La Réserve Naturelle Nationale de l’Air et duTénéré (Niger). WWF et UICN Eds.

•THIOLLAY (J.M.) 1977.– Distribution saisonnière des rapaces diurnes en Afrique occidentale. L’Oiseau et R.F.O., 47 ; 253-294.

•WINK (M.), CLOUET (M.), GOAR (J.L.) & BARRAU (C.) 2004.– Sequence variation in the cytochrome b gene of subspecies of Golden Eagles Aquila chrysaetos. Alauda, 62 : 00-00.

 

 

 

Michel CLOUET

54 allées des Demoiselles

F-31400 Toulouse (dr.clouet@wanadoo.fr)

 

Jean Louis GOAR

F-11330 Villerouge Termenes

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