L e C a s s e u r d ’ o s vol. 12 - 2012, pp. 89-94

 

 

 

 

   


                             L ’Aigle royal Aquila chrysaetos   sur le versant nord des Pyrénées occidentales .                                          

                                                            Synthèse de la saison 2 0 1 1

 

 

 

 

 

                                             Linda RIEU, Luc GONZALEZ & Stéphane HOMMEAU

 

 

 

INTRODUCTION
Le premier essai de structuration d’un réseau constitué d’observateurs autour de la
reproduction de l’Aigle royal dans les Pyrénées occidentales date de l’année 2005. Le Parc National
des Pyrénées (PNP), le Groupe Ornithologique des Pyrénées et de l’Adour (GOPA) et les
rapaçologues de Saiak ont ainsi mis en commun leurs compétences au service de cet oiseau. La
signature effective d’une convention en 2008 a permis d’harmoniser et de mettre à jour
régulièrement les résultats de reproduction.

 

Objectifs
Ÿ Recherche des aires nouvelles durant toute l’année ;
Ÿ recherche des couples reproducteurs dès la fin du mois de février ;
Ÿ suivi de la reproduction, de la construction des nids jusqu’à l’envol des jeunes ;
Ÿ étude du régime alimentaire ;
Ÿ veille sanitaire.

 

Délimitation géographique de la prospection
Si le territoire couvert par la convention actuelle se limite aux frontières administratives du
département des Pyrénées-Atlantiques et au Val d’Azun, nous avons en effet préféré rajouter, dans ce compte-rendu, l’ensemble des résultats obtenus jusqu’en vallée d’Aure. En effet, à partir de 2012, en association avec Nature Midi-Pyrénées (NMP) et l’ensemble des secteurs du territoire du Parc
National des Pyrénées, la zone couverte s’étendra officiellement à l’ensemble des Pyrénées
occidentales (du Pays Basque jusqu’à la frontière administrative est des Hautes-Pyrénées).

 

Résumé météorologique
Le mois de janvier est très sec avec des précipitations bien en dessous des normales. Les
températures sont douces pour la saison sauf durant la dernière décade où elles sont nettement plus
froides que la normale. Les chutes de neige se concentrent sur les derniers jours du mois. Février est
plus arrosé mais la moyenne de ces précipitations reste proche de la normale. Le Pays Basque reste
plus humide que le Béarn. Malgré des températures douces, le manteau neigeux est plus important
qu’en janvier. Les précipitations du mois de mars sont conforment aux habitudes. Les reliefs sont
arrosés mais les cumuls ne sont pas exceptionnels et restent dans les normes. La moyenne mensuelle
des températures est légèrement supérieure à la normale. Trois jours de chutes de neige se concentrent en début de mois, à partir de 500 m d’altitude. Le mois d’avril est très sec. Le mois de mai connaît peu de précipitations. Il est encore plus sec au Pays Basque qu’en Béarn. Doux et ensoleillé, le mois de juin confirme la tendance d’un printemps sec avec un régime déficitaire en précipitations par rapport à la moyenne des années précédentes. Le mois de juillet est très arrosé avec des orages localement violents. Août est moins pluvieux sauf en vallée d’Ossau.
Le printemps sec n’a pas perturbé la reproduction des aigles royaux sur l’ensemble de la zone
étudiée et l’été pluvieux n’a pas gêné l’envol des jeunes.

 

Pression d’observation
L’année 2011 apparaît comme une bonne saison de reproduction malgré un suivi de qualité
inégale qui se répartit tout de même sur 206 journées (GOPA, PNP, Saiak ; Figure 1). Ce suivi de
reproduction a mobilisé 69 observateurs. Bien que les données d’Aigles royaux se répartissent sur
l’ensemble du calendrier, l’investissement de terrain s’organise essentiellement entre janvier et août.
Deux données intéressantes d’oiseaux en plumage juvénile sont réalisées en octobre. Néanmoins,
tous les territoires fréquentés par les aigles n’ont pu être vérifiés de façon exhaustive. La pression
d’observation se concentre surtout sur la période de prospection en début de saison (un peu plus de
50 % des données sur les deux seuls mois de mars et d’avril), qui a tout de même du mal à démarrer au mois de février.

Le nombre de visites dont la durée est inférieure à trois heures est encore
important et représente plus de 46 % des sorties (pour 163 journées où le volume horaire est
renseigné). Le Pays Basque est couvert essentiellement par Saiak dont l’investissement humain et
bénévole est remarquable cette année encore. Le Béarn a fait l’objet d’un suivi de qualité sur sa
moitié occidentale. La répartition de l’effort de prospection entre le GOPA et le PNP-Aspe est
maintenant bien rodée et c’est un travail efficace qui a permis de produire des résultats flatteurs. La
partie orientale pose plus de soucis. La vallée de Ferrières est moins prospectée. Son éloignement
des centres naturalistes établis se reflète, encore une fois, sur la qualité du suivi des aigles. Les autres
vallées bigourdanes sont bien prospectées par le PNP (sauf la vallée de Luz) qui maîtrise bien la
connaissance de la distribution de ce rapace sur ces territoires.

 

 

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Depuis 2008 (41 couples), le nombre de couples évolue peu. Malgré une pression
d’observation toujours plus importante, seul le nombre de couples soupçonnés d’installation semble
augmenter. Il faut donc nous attendre, dans les années à venir, à voir le nombre de couples
reproducteurs progresser. L’arrivée des observateurs de NMP devrait aussi logiquement apporter son
lot de découvertes sur les basses vallées bigourdanes dans les années à venir. Nous pouvons d’ores
et déjà estimer le potentiel reproducteur sur les Pyrénées occidentales à ± 50 couples (Carte 1).
Bilan de la saison 2011
Ÿ 40 couples certains
Ÿ 14 couples non suivis ou avec données insuffisantes
26 couples contrôlés correctement
5 couples ne se reproduisent pas
21 pontes déposées
5 échecs pendant la période d’incubation
2 échecs pendant l’élevage du jeune au nid
16 jeunes à l’envol
Ÿ Productivité = 0,62 jeune/couple (nombre de jeunes à l’envol /nombre de couples contrôlés)
Avec 26 couples contrôlés, l’année 2011 est en dessous de la moyenne enregistrée depuis
2005 (28 couples contrôlés par an). En outre, cet échantillon ne représente que 65% des couples
connus. Par contre, avec 21 couples reproducteurs, l’année 2011 se situe dans la moyenne haute des résultats enregistrés depuis 2005.

Ainsi, 80,8% des couples suivis se sont reproduits. Le taux d’occupation des nids est remarquable et proche de celui observé en 2005 (82,6%). Il pourrait expliquer à lui seul
l’importance de l’année 2011. Les bonnes années, c’est en partie grâce à un taux d’occupation des nids élevé et malgré le faible taux de nichées réussies avec deux aiglons que la population d’Aigles royaux des Pyrénées occidentales tend à augmenter progressivement.
Nous avons constaté 5 échecs pendant l’incubation pour 21 pontes déposées, ce qui
représente tout de même 23,8%. Les causes sont difficiles à évaluer avec certitude. Cela montre tout de même la grande vulnérabilité de l’espèce pendant la période de couvaison. Sur un site, la cohabitation avec le Vautour fauve Gyps fulvus et le Grand Corbeau Corvus corax pourrait en être la cause.

Dans un autre cas, c’est peut-être la présence d’une femelle sub-adulte (a priori
inexpérimentée) dans le couple, qui pourrait expliquer l’échec. Pour les autres, il est difficile
d’avancer quelque hypothèse.


Avec 16 nids actifs en période d’élevage des jeunes, le nombre de couples élevant un ou deux
jeunes se montre excellent et atteint le meilleur résultat (avec 2007) depuis sept ans. La météo favorable y est certainement pour quelque chose. Le taux de réussite atteint un niveau remarquable puisque 76,2% des couples couveurs élèvent un ou deux jeunes oiseaux. En effet, les oiseaux couveurs n’ont pas eu à lutter contre l’humidité généralement importante à cette saison sous nos latitudes pluvieuses. En outre l’approvisionnement en nourriture de l’oiseau couveur n’a, semble-til, posé aucun souci aux Aigles royaux en 2011. C’est le meilleur résultat depuis 2005.
Deux échecs sont enregistrés lors de l’élevage du jeune. Cette mortalité touche ainsi 12,5% des
jeunes après l’éclosion, en 2011. N’oublions pas que l’échantillon étudié est faible. Ce taux de
mortalité constaté au nid n’est sans doute pas pertinent sur une population étudiée présentant des effectifs aussi réduits. En 2011 nous avons contrôlé deux nichées avec deux jeunes, soit 12,5% des nids ayant produit des aiglons. Les nids actifs du Pays Basque n’ont apporté, en 2011, qu’un jeune par nichée réussie. Les années précédentes, c’est précisément au Pays Basque que nous obtenions régulièrement de bons résultats dans ce domaine. Chez la plupart des rapaces et chez l’Aigle royal en particulier, les femelles sont généralement plus corpulentes que les mâles. Si l’oeuf éclos en premier apporte une femelle, il y a moins de chance que le deuxième oiseau survive (à cause de la différence de taille).

En d’autres termes, le caïnisme serait moins fréquent dans le cas où le cadet est une femelle et l’aîné, un mâle (REBOURS et al., 2007).


Avec 1,14 jeune par nichée réussie, l’année 2011 est loin d’obtenir le meilleur résultat (la
taille moyenne des nichées réussies était de 1,33 en 2005) : la faute au faible nombre de nichées à deux aiglons. Pour le succès de reproduction, le nombre de jeune envolé par couple pondeur s’élève à 0,76 ce qui situe l’année 2011 juste au-dessus de la moyenne couvrant la période 2005-2011 sans tenir compte des années 2009 et 2010 (données partielles). Le nombre de jeune arrivant à l’envol par couple produisant un ou deux poussins est égal à 1. Ce taux d’envol est proche de la moyenne enregistrée entre 2000 et 2011 sur le Parc National des Écrins (0,96) (COULOUMY, 2012) mais aussi voisin du résultat enregistré en 2011 sur le département des Alpes de Haute-Provence (1,06) (FREYCHET, 2012).
Concernant la phénologie de reproduction, les données présentées ci-dessous auraient mérité
plus de précision. Ainsi, pour les dates de début de couvaison, les dates d’éclosion et les dates
d’envol du jeune, il faut comprendre que celles-ci ne correspondent pas au moment réel où l’oiseau
décide de pondre, le poussin de sortir de l’oeuf et l’aiglon de s’envoler, mais plutôt aux dates
auxquelles l’observateur a confirmé ces évènements :
Ÿ Construction du nid : observée à partir du 01 mars
Ÿ Accouplements : observés du 06 au 21 mars
Ÿ Couvaison : constatée à partir du 14 mars et jusqu’au 17 avril
Ÿ Éclosions : estimées entre le 29 avril et le 04 juin
Ÿ Envols des jeunes : observés entre le 12 juillet et le 05 août

 

CONCLUSION


Avec 16 jeunes à l’envol sur 26 couples suivis, l’année 2011 peut être qualifiée de bonne saison
pour l’Aigle royal dans les Pyrénées occidentales. Tous les paramètres ne sont pas exceptionnels
(seulement 65% des couples connus sont réellement suivis avec surtout de grosses disparités d’une
vallée à l’autre, une taille de nichée plutôt faible, un succès reproducteur moyen de 0,76 jeune/couple reproducteur et des dates de ponte, d’éclosion et d’envol toujours aussi difficiles à obtenir) mais globalement, le pourcentage de couples élevant au moins un jeune est excellent. La raison la plus évidente nous est apportée par la météo. Hiver et printemps cléments semblent avoir favorisé la reproduction. En outre, l’année précédente n’avait pas été bonne. Dans une précédente publication (ARTHUR et al., 2009), nous avions mis en évidence l’alternance des bonnes et des mauvaises saisons de reproduction. Cette tendance semble encore se vérifier pour ce début de décennie.

 

Liste des observateurs
Cette année, trois administrations et trois associations regroupant au total 69 observateurs ont
contribué au suivi de la reproduction de l’Aigle royal. Le GEOB est venu ponctuellement prêter son
assistance au réseau constitué. Que tous soient ici chaleureusement remerciés.

 

 

GEOB : Jean-Paul BASLY.

GOPA : Muff GUSH, Rachel HOMMEAU, Josette STACHURA, Jacques BOUILLERCE, Dominique BOYER, Luc CANTEGREL, Stéphane CÔMES, Stéphane DUCHATEAU, Jean-Louis GRANGÉ, Stéphane HOMMEAU, Dominique MEININGER, Pierre NAVARRE, Jean-Paul PIOU, Marek STACHURA.

ONCFS : Michel CLEMENTE, Stéphane DUCHATEAU.

ONF : Jean-Claude AURIA, Ramuntcho TÉLÉTCHÉA.

PNP :

Siège Tarbes, chargée de mission faune sauvage : Linda RIEU.

Secteur Aspe : Jérémy BAUWIN, Roland CAMVIEL, Frédéric CHAVAGNEUX, Jérôme
DÉMOULIN, Henri LABORDE, Didier MELET, Patrick NUQUES.

Secteur Ossau : Anne-Marie LABERDESQUE, Christophe ANDRÉ, Yannick BIELLE, Jérémy MAINGUENEAU, Didier PEYRUSQUÉ, Christian PLISSON, François SOUBIELLE.

Secteur Azun : Christophe CUENIN, Étienne FARAND, Frank MABRUT, Michel MOREAU, Laurent NÉDÉLEC, Marcel POULOT.

Secteur de Cauterets : Patrick CAENS, Jean-Paul CRAMPE, Marc EMPAIN, Thomas FRIEDRICH, Stéphane GUICHEMER, Nicolas LAFFEUILLADE.

Secteur Luz-Gavarnie : Philippe FONTANILLES, Flavien LUC.

Secteur Aure : Germain BESSON, J. CREBASSA (stagiaire), Cyril DENISE, Gérard NOGUÉ, Laurence MANHES, Didier MOREILHON, Dominique OULIEU, Alan RIFFAUD, David ROUANET.

SAIAK : Isabelle REBOURS, Aurélien ANDRÉ, Michel CLOUET, Intza, Kattin, Fabien, François et Thierry FROGET, Luc GONZALEZ, Beñat IRIBARNE, François LASPRESES, Martin LE BOURGEOIS, Alain PAGOAGA.

 

Bibliographie
ARTHUR C., HOMMEAU S., REBOURS I., 2009. Suivi de la reproduction de l’Aigle royal Aquila chrysaetos dans les Pyrénées occidentales en 2008. Le Casseur d’os, vol. 9 : 74-81.
COULOUMY C., 2012. L'Aigle royal dans le Parc National des Écrins et les Hautes-Alpes. Synthèse annuelle 2011. 17 p.
FREYCHET D., 2012. L’Aigle royal dans le département des Alpes de Haute-Provence. Synthèse et bilan du suivi de la population, 2011. 10 p.
MÉTÉO FRANCE, 2011. Bulletins climatologiques mensuels des Pyrénées-atlantiques (janvier à août 2011).
REBOURS I., GONZALEZ L., CLOUET M., 2007. Important écart des dates d’envol dans une aire d’Aigle royal Aquila chrysaetos des montagnes basques. Alauda, 75 (2) : 79-80.

 

 

Linda RIEU, Chargée de mission Faune Sauvage Service Connaissance du Patrimoine Naturel, Parc
National des Pyrénées : 2 rue du IV Septembre, 65007 Tarbes Cedex
pnp.rieu@espaces-naturels.fr
Luc GONZALES : Heleta, chemin Larrechurria, 64200 Arcangues
www.saiak.com
Stéphane HOMMEAU : Maison Bayerca, 64400 Esquiüle
stephane.hommeau@yahoo.fr