ndr: ensemble des mouvements d'"Henriette" au 23/04/2020

 

Les malheurs d’Henriette :

 

conte de la gloutonnerie ordinaire

 

 

 

Ce 17 juin 2019, dans le cadre du réseau Aigle Royal Ariège, je poursuis le suivi d’un couple d’Aigles royaux dans le Couserans. A mon arrivée, le jeune se repose à l’ombre de la cavité où est située l’aire. Il s’active ensuite un peu, picorant un reste de chevreuil. A 11h30, le mâle apparait avec une petite proie dans les serres, peut-être un écureuil roux. Le jeune glouton commence à crier dès qu’il l’aperçoit. A peine l’adulte a-t-il eu le temps de se poser que l’aiglon se jette les deux serres en avant sur la proie. Il n’en faut pas tant pour que le mâle parte au plus vite.

 Mais alors, quelle n’est pas ma stupéfaction ! Tandis que l’adulte quitte l’aire, je vois le jeune tomber se fendant au passage d’une remarquable acrobatie en pleine chute. Il atterrit au pied de la falaise. Dans son accès de gloutonnerie, il a dû, par mégarde, attraper la patte de l’adulte et a été entraîné contre son gré dans un envol bien trop précoce.

 

Après concertation, nous attendons un peu pour observer la réaction des adultes. Le mâle fait plusieurs passages bas au-dessus du pied de la falaise et reste une heure et demi perché sur un arbre en surplomb du site. La femelle ne fera qu’un bref passage en vol. La décision est alors prise de descendre au pied de la falaise vérifier si le jeune acrobate est toujours en vie. Je le découvre au pied de la falaise, dans des fougères, bien vivant ! Avec l’aide des agents de l’ONCFS, nous le récupérons et l’amenons en centre de soins, au domaine des oiseaux (DDO) de Mazères.

 

Les examens menés d’abord au DDO puis à l’école vétérinaire de Toulouse révèlent une double fracture sur l’aile droite à la suite de cette chute. L’opération effectuée rapidement se passe bien, et après une rééducation à l’école vétérinaire de Toulouse puis en volière au DDO, un relâcher est finalement envisagé.

 

Grâce à l’association BECOT, dans le cadre d’un programme de recherche de l’association, une balise sera posée sur cette jeune femelle ainsi que des bagues d’identification rouge à gauche et verte à droite portant chacune l’inscription O4. Il s’agit, à notre connaissance, du premier aigle juvénile équipé d’une balise dans les Pyrénées françaises. Cela devrait nous permettre d’en apprendre un peu plus sur la dispersion et le devenir des Aigles royaux juvéniles du versant nord des Pyrénées.

 

Le 17 septembre 2019, 3 mois jour pour jour après sa chute et quasiment à la même heure, la jeune femelle est relâchée. « Henriette » sort pleine d’envie de sa boîte de transport et se pose rapidement dans un bosquet.

 

La suite de ses mouvements sera connue grâce à sa balise. Les jours suivants, elle fréquente le territoire de ses parents (jusqu’au 23/09), avant de partir vers le Sud et de franchir la frontière espagnole. Peut-être la faim l’a-t-elle poussée à explorer plus avant, ou a-t-elle suivi un groupe de Vautours fauves en quête de carcasses ? Les données qui nous parviennent ensuite rassurent sur ses capacités de vol : cette jeune femelle effectue de belles traversées en utilisant avec pertinence les ascendances thermiques. Elle semble avoir trouvé un site qui lui convient dans le nord de la Catalogne, où elle se trouvait à la fin du mois d’octobre.

 

 Espérons un jour avoir la chance de la recroiser en Ariège. Si vous observez un Aigle royal et qu’il est bagué, prêtez bien attention aux couleurs (rouge, vert) et à l’inscription (O4) : ce sera peut-être Henriette ! Prévenez-nous.

 

Un grand remerciement à tous les acteurs ayant permis son retour à la vie sauvage : l’ONCFS, le DDO de Mazères, l’Ecole vétérinaire de Toulouse et l’association BECOT.

 

 

 

Adam WENTWORTH, Julien GARRIC